Revenir dans cette ville d’abord un voyage intérieur une ritournelle une obsession d’abord cette ville la vider des vieilles émotions qui relient les adresses l’une à l’autre puis à la suivante des mensonges qui laissent des traces grises aux murs des croyances qui pendent aux arbres d’abord revenir avec le corps les mains moites la perle de sueur l’essuyer d’abord dans cette ville avancer comme c’était sans réfléchir à droite tourner à gaucher bifurquer sous le porche les boîtes aux lettres magazines entassés portes enfoncées ouvertes béantes noms effacés d’abord regarder alignement rouges boîtes vides abandonnées quittées mais quand.
Soleil net dessine clair les ombres d’un mur d’un arbre la frondaison marcher dessus piétiner la ville écrasée de lumière toucher l’ombre s’y mêler être ombre parmi les ombres sur l’escalier de béton son épaisseur froide ses arrêtes effritées ses angles morts aux volets fermés compter les marches le palier dernières marches ensoleillées aveugles cachent l’après le vide lumineux les souvenirs dessinent à l’instant ce que la lumière tait la cour les jeux les buissons les enfants les parfums d’un repas la télé trop forte au premier la fenêtre toujours ouverte le vieux assis là toujours cette heure-là ce banc là les voix qui appellent viens jouer la poussière les vélos aveugles dernières marches fermer les yeux soleil net chirurgical derrière l’escalier.
Tout est vide un décor un mensonge une façade pourtant c’était là dans cette ville ce quartier aujourd’hui rien tout est plein d’abandon tout déborde de silence tout herbe grillée balcons gris tout est fissure tout s’éloigne tout attend tout est ciel bleu vide tout est blanc ou tout est noir on ne sait tout est néant sans nuance tout est implacable vide plein lumière angles chaleur tout est perdu de ce qui fût tout est parti tout a disparu tout a été englouti pourtant il y avait une histoire derrière chaque fenêtre des gestes derrières les portes il y avait des corps dans les coursives des sacs de courses revenus du marché des genoux égratignés tout est vide.
Une chaise renversée rotin clair par endroit noir pourriture séchée des panneaux de bois gondolés un volet cassé un rayon de soleil une toile de jute décolorée des branches sans âge quelques clous une rambarde brûlante un grillage affaissé du métal rouillé une crevasse au milieu dans l’asphalte trace un sillon de part en part symétrie parfaite faille ou jonction abyssale couture comme une droite on pourrait replier le quartier sur lui-même le vide sur le vide le béton sur la brique les fenêtres toutes ensembles le passé plié dans le présent vice-versa un sillon pour y semer le rayon le ciel les ombres un bout de papier oublié mais quand.
S’échapper de la cour du passé du vide débordant descendre un escalier une sirène retentit une alarme quelque part mais où mais pourquoi puisque seul résidant le vide ne se signale ni ne se clame il est là à chaque fenêtre observe tout là scrute chaque courant d’air là retient les instants descendre un escalier sur la gauche quelques lettres dessinées majuscules apposées au portique du garage condamné et la sirène qui traverse la fixité de ce qui tient encore debout ici contre le vide appuyé tant d’années de souvenirs bricolées prêtes à s’écrouler percées par la sirène la sirène la sirène s’échapper échapper décoller ses pieds des graviers poussiéreux ses yeux des façades muettes desserrer les poings partir ne plus jamais revenir puisque tout s’est transfiguré un rayon une sirène et puis rien.