Frottez les cellules mortes les grains invisibles les peaux molles encore fiévreuses encore une brosse de mains en mains frottez les germes minuscules chacun à son tour les crins de la brosse rugueux méticuleusement gestes lents mimétiques de mains en mains et le sol recouvert monticules sans couleur presque translucides ou grisâtres comme les nuages les poussières des temps sur les peaux accumulées les peaux dures et froides.
Mangez le sable les ciments effrités la terre et ses racines celles de l’arbre aussi profondes mêlées à celle de la Terre lentement mangez mâchez le dessous du monde sous la neige sous l’herbe à la table des vers mangez doucement les dessous chuchotent une langue connue des pierres des limons une langue sédimentaire elle s’apprend à cette table seulement mangez le noir le brun de ce qui fût un jour les saveurs lointaines de la Terre des ancêtres devenez.
Caressez les ventres ils sont mous entrailles rouges cordons de dents coupés ce qui était ne sera plus le ciel explose et digère les vivants caressez les joues humides les paupières liquéfiées les iris immenses caressez les yeux injectés de rayons sombres caressez les nuques elles sont nues sous la gravité champs nus troués magnétiques caressez ce qui reste à votre portée même si l’oiseau dans le champ a cessé de voler caressez d’une plume prélevée ce qui reste à votre portée.
Arrêtez les horloges arrêtez les mouvements les balanciers les équilibres ont fui tout bascule les métronomes mentent ou ne savent plus quoi mesurer le rythme des aciers célestes pluies métalliques et rouges arrêtez le temps les paysages disparaissent familiers vibration quand les oiseaux déchiffrent dans un battement d’ailes l’à venir comme viennent les orages les vents tourbillon de terres et de cendres arrêtez de compter la folie n’a ni nombre ni chiffres elle flotte hors des temps et des airs fière et infinie insomniaque et pâle arrêtez le temps les nuages où il se cache brouillard.
Tenez la main de l’enfant du vieillard qu’il doit devenir tenez la main souple en souvenir des rides qui raconteront un jour leurs longues années embrassez la paume chaque ligne fera fleuve une source d’où jaillissent les eaux vives un beau jour océan lointain réchauffez les doigts pulpe de poussières volées à une fenêtre abandonnée y restera le tracé d’une lune en lambeau à hauteur d’un enfant les reflets d’un regard un sourire dessiné figé renversé retenez la main qui s’éloigne dans une géographie annulée qu’il faudra raconter.
Enfoncez vos doigts dans vos bouches comptez les dents qu’il reste à survivre émail blanc aussi blanc qu’une neige le lendemain d’une nuit qu’un ciel la veille d’un hiver et les ongles noircis d’une main tremblement se répand les dents claquent lèvres sèches fendillées la terre aussi asséchée les gorges aussi enfoncez vos doigts dans vos bouches un cri à y retrouver l’attraper le tirer délicatement jusqu’au bord du précipice le pousser.
Dépliez vos corps les bouts de papier des jours de fête les vœux qui ont été gardés le bocal au fond du tiroir d’un meuble âgé du passé un grincement perce le jour les papiers entassés fragments de mémoires des futurs rêvés le couvercle dévissé l’air nouveau se mêle à celui de l’année passée dépliez vos corps les bouts de papier mais que seuls vos yeux lisent se souviennent tandis que tout se replie autour alors que le ciel épouse la terre finalement pendant que la terre adopte les corps finalement les vôtres encore debout.