Vendredi 7 avril dernier, le Syndicat des Recycleurs du BTP (SRBTP) m’a confié l’animation d’une table ronde, organisée à l’occasion de son Assemblée Générale à Arcachon.
« Loi TECV : 2015, et après ?
Quels points de blocage & quels leviers pour la réutilisation des matériaux recyclés ? »
Avec 227,5 millions de tonnes de déchets générés en 2014, dont 80% sont dits inertes, les filières du BTP disposent d’une ressource à valoriser de taille. Mais déjà le processus est engagé puisqu’en sortie de chantier, 61% de ces déchets inertes sont réutilisés ou valorisés, contre 49% en 2008, avec une contribution plus importante des chantiers TP (63%) que du bâtiment (46%).
La loi Transition Energétique pour la Croissance Verte du 17/08/2015 fixe des objectifs, afin de mobiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeurs, notamment :
- Atteindre 70% de recyclage d’ici 2020,
- Utilisation de 60% de matériaux issus du recyclage du BTP, par l’Etat et les collectivités, pour la construction routière, d’ici 2020,
- L’obligation pour les distributeurs de matériaux du BTP d’organiser la reprise des déchets, effective depuis le 1er janvier dernier.
Les filières sont-elles prêtes à atteindre ces objectifs ? Les acteurs ont-ils toutes les cartes en main ? Quels défis attendent l’ensemble des parties prenantes en la matière ?
En amont: encore faut-il alimenter les filières de recyclage
Le recyclage et la valorisation sont en route mais il faut aller plus loin. Des études de cas ont démontré que l’optimisation est possible. C’est le cas avec le programme DEMOCLES. Les conclusions de DEMOCLES 1 indiquent que la dépose sélective est une condition sine qua none pour mettre en oeuvre des filières de recyclage, valorisation & réemploi efficaces. Cette optimisation peut être conduite à coûts constants en s’appuyant sur le principe de coresponsabilité des parties prenantes, avec un rôle de pilotage par le maître d’ouvrage.
Les maîtres d’ouvrage, au cœur du réacteur donc. Le Conseil Départemental de Gironde a par exemple fait évolué sa stratégie de marchés publics. Depuis 4 ans environ, pour les opérations de construction, un lot est dédié à la gestion des déchets de chantier. En imposant aux entreprises de déterminer dès leurs réponses des filières de valorisation/recyclage qui seront utilisés, c’est la traçabilité, l’efficacité et la performance de gestion de ces déchets qui sont visées. D’autres organisations, comme Bordeaux Métropole Aménagement, conçoivent les projets d’aménagements de ZAC en intégrant la question des déchets le plus tôt possible. On pourrait d’ailleurs dire que l’objectif est de ne pas parler de déchets mais de ressources à mobiliser.
Mais les gestionnaires de plateforme de traitement des déchets soulignent l’importance d’augmenter le gisement. Pour que les filières soient performantes, les flux captés doivent croître. Une fois que le gisement entre en filières, alors faut-il que les infrastructures soient adaptées aux débouchés, qu’il faut encore inventer pour certains. Des programmes de Recherche & Développement sont d’ailleurs en cours, tel que sur la filière bois avec la FFB et l’UIPP ou encore dans la filière plastique avec l’association 2ACR. C’est aussi dans cette perspective de reconnaissance et de compétitivité des filières de recyclage que le SRBTP a lancé le label QualiRecycle, en partenariat avec l’ADEME.
Circulaire, vous avez dit circulaire?
Il ne faut pas l’oublier, la loi TECV a consacré un chapitre entier, le quatrième, à l’économie circulaire. Le réemploi en est l’une des composantes. Cette filière du réemploi reste à ce jour au rang des opérations anecdotiques même si tout le potentiel en est reconnu. Le programme REPAR, animé par l’agence d’architecture Bellastock en est le fer de lance.
Une autre dimension de l’économie circulaire qui intéresse les acteurs du BTP, tient dans la notion de proximité, de territoires. L’efficacité des filières de recyclage se joue aussi dans la capacité des acteurs d’un même territoire de trouver des solutions locales. Avec un maillage intelligent de plateforme de traitement, avec une mise en réseau des parties prenantes territoriales, de nouveaux débouchés pourraient être identifiés, dans un souci d’économie de la ressource et de mesure de l’impact carbone des produits utilisés. A l’échelle d’un territoire, c’est aussi une dynamique trans-filières qui peut être engagée, pour donner toutes les chances à l’innovation territoriale, où les démarches de type « Territoire zéro déchet », « TEPOS », etc peuvent être catalyseurs de ces énergies.
C’est aussi la notion de fonctionnalité qu’il faut prendre à bras le corps. Si les opérateurs de la construction raisonnaient en termes de fonctionnalités et non de produits, les entreprises pourraient voir s’élargir le champ des possibles, d’innovation pour répondre aux besoins des donneurs d’ordre. Atteindre une performance économique ET environnementale, voilà l’horizon à atteindre.
Le recyclé, c’est bien aussi!
Il n’en reste pas moins qu’en bout de chaîne, en aval, les utilisateurs soient convaincus par les matériaux recyclés. Particuliers, maîtres d’ouvrage, fabricants doivent avancer sur leur niveau d’acceptabilité des matériaux recyclés. Il faut faire preuve, encore, de pédagogie pour convaincre de la qualité, de la résistance, de la durabilité de ces nouveaux matériaux. Il faut former les donneurs d’ordre qui semblent demandeurs. Il faut bousculer la sacro-sainte valeur d’habitude. Pour ce faire, faut-il avancer avec la force de la loi et de la réglementation? Faut-il imaginer une loi TECV2 qui imposerait largement l’utilisation de matériaux recyclés? Les avis divergent. Ce qui fait consensus, c’est le besoin d’incitation: repenser la TGAP, instituer un système de bonification « utilisation de matériaux recyclés », organiser une meilleure lisibilité sur ce qu’est le matériau recyclé? Plusieurs pistes sont avancées. Il semble que les rouages de l’engrenage existent bel et bien, reste à les assembler et à les mettre en mouvement pour aller plus loin.