Dernièrement, à l’occasion d’une grand messe consumériste – entendez par là que je faisais mes courses dans une grande surface bondée – je courais de rayons en rayons. Guère croyante, voire athée, j’évite la messe. Parfois elle est nécessaire. Pourtant, elle ravive ma foi. Ma foi en son absurdité.
Juste avant de m’y abandonner – car la foi est abandon – je fais mon signe de croix. Au nord j’attrape les sacs, au centre le jeton pour caddie, à gauche ma liste, à droite mon courage à deux mains.
J’aime quand la messe est efficace, rapide. Je me voue au plus vite aux autels de St-Céréale, St-Condiments, St-Produits frais, les autres aussi, puis je finis avec St-Surgelé. Je ne suis pas monothéiste en fait.
St-Surgelé. Je le priais juste de me pourvoir en poisson. Déjà, avant, je savais que les poissons avaient été multipliés. J’étais donc habitée par la sereine conviction de trouver mon bonheur. La foi est toujours récompensée pour les fidèles, n’est-ce-pas?
Je prends congé de ce lieu de culte, après avoir laissé mon obole. Le coffre plein.
L’heure est à la génuflexion. Je range mes courses, chapelets que je manipule avec soin. A chacun sa place consacrée.
La spiritualité a une fin. Justement j’avais faim. Poisson surgelé au menu. Pavé de saumon. Je découvre seulement l’emballage. Saumon labellisé MSC…
MSC est un programme de certification de pêche durable. 99 pêcheries sont certifiées, à l’échelle mondiale.6 pêcheries française le sont (ou en cours). Et voilà comment je suis devenue une Madame Jourdain du développement durable! Ba oui quoi, c’est hyper bien d’acheter responsable, non?
Et là je m’insurge, en criant NON!!!
J’entends trop souvent « Oh Rebecca, vous savez, je suis un Monsieur Jourdain du développement durable! » Je n’aime pas entendre ça. Pour autant je comprends ceux qui prononcent cette phrase miracle. Tiens, nous revoilà dans le domaine de la foi… Je crois que le monsieur Jourdain du développement durable ne peut exister. Pourquoi?
Tout simplement parce que le DD est un processus de choix. De choix éclairés. Le DD n’est qu’anecdotique quand il se traduit par de « bonnes actions ». Le DD, celui qui est porteur de sens, est une démarche d’acculturation. Le DD apprend à se poser des questions: mon projet, mon achat, en quoi contribue-t-il au respect de l’humain, de l’environnement? En quoi est-ce que je participe au mieux vivre ensemble?
Pour autant, je ne défends pas une vision jusque boutiste. Je parle bien de choix éclairés. Parfois, nous pouvons faire un choix durable, parfois non. On peut commencer petit, et essayer d’avancer ensuite. Le développement durable, c’est aussi du compromis. Pas de la compromission, des compromis. Se dire qu’en matière d’alimentation par exemple, on commence par se résoudre (c’est la période alors allons-y) à acheter local auprès de petits commerçants. Tout en ayant conscience que s’agissant de notre dressing, la mode éthique restera pour l’instant secondaire, une pièce de temps en temps.
Cette réflexion, monsieur Jourdain ne peut pas l’avoir. Il ne se pose pas de questions donc il ne fait pas de choix. Soyez gentils donc, ne me dites plus « Oh Rebecca, vous savez, je suis un Monsieur Jourdain du développement durable! »