Jeudi 13 et vendredi 14 septembre, j’étais au Havre pour le LH Forum. Le LH Forum se veut un mouvement mondial pour une économie positive, mis en branle par Jacques Attali, sous sa casquette Planet Finance.
Tout au long de la première matinée, les intervenants se sont attachés à dessiner les contours et du « mouvement » et de cette économie positive. Je n’ai pu que partager les constats et horizons pointés. Ensuite, des entrepreneurs « positifs » se sont relayés pour présenter leur contribution à l’économie positive: certains avec un business de la consommation éthique, d’autres pour leur business de services aux personnes ou aux entreprises, mais aussi d’autres, à travers un projet associatif en quête d’un business modèle viable.
Arnaud Ventura, bras droit d’Attali chez Planet Finance, ouvre le colloque en indiquant que l’économie positive a besoin d’outils, de visibilité, de retours d’expériences. Très vite, l’économie positive est d’abord envisagée par ce qu’elle n’est pas, ou ne doit pas être: « l’économie positive n’est pas le greenwashing du capitalisme » lance le maire du Havre. Jacques Attali lui emboîtera le pas en affirmant que cette économie n’a rien d’anecdotique et qu’elle constitue une « réponse aux crises actuelles« . Vinrent alors les tentatives de définition.
L’économie positive est altruiste. Elle inclut l’économie sociale et solidaire (ESS) mais pas que. Elle est porteuses de valeurs, qui ne sont pas qu’économiques. Elle ne rejette pas le business. Pour François Chérèque, cette économie doit servir l’intérêt général et remettre l’homme au coeur de son projet. Elle replace l’entreprise au sein d’un écosystème dont toutes les parties prenantes sont en relation. Les entreprises qui s’en réclament doivent être notées sur leur performance sociale et non seulement financière. Pour François Hollande, en duplex depuis Paris, il s’agit tout simplement de s’orienter vers un nouveau modèle de développement. Plus tard, John Tirman du MIT dira que l’économie positive favorise les relations horizontales et qu’elle promeut l’autonomie collaborative. Tous ces mots-clés me parlent…
Et pendant ce temps là, une manifestation devant les Docks Océance,
avec le slogan « Moins de discours et plus d’emplois. Un autre partage des richesses »…
Mais au LH Forum, il y a aussi eu des moments qui ne m’ont pas convaincue. Gérard Mestrallet de GDF Suez est monté sur scène. En tant que partenaire financier de l’organisation de l’événement je pense. En l’écoutant, je n’ai pas retrouvé les éléments de définition qui avaient pu être énoncés plus tôt. Oui, amener du gaz dans les foyers c’est répondre à un besoin. Mais Henri Lachmann de Schneider Electric l’a taclé un peu plus tard: un producteur d’énergie « ne peut être son propre ennemi« , il a pour seule ambition de vendre un maximum d’énergie… J’ai d’ailleurs été amusée de sentir le malaise d’Erik Izraelewicz (Le Monde) qui l’interviewait. En fait non, il ne l’interviewait pas justement, il le mettait en scène. Je reviens à Henri Lachmann. Je l’ai trouvé plutôt intéressant et convaincant. Pour lui, le courtermisme, la réduction de l’entreprise à un dividende est tout simplement « pousse au crime« . Il sera également le seul de ces journées à insister sur le lien fort entre les activités économiques et les territoires.
Et puis que dire d’Alain Bucaille d’AREVA qui affirme avec force conviction que les débats sur la gestion à long terme des déchets nucléaires sont métaphysiques… Mais cela relève peut-être des convictions personnelles de chacun…
A l’issue des deux jours, LA définition n’est pas posée. C’est logique. Il faudra y travailler. Pour cela, 6 enjeux sont évoqués:
- théoriser
- partager les bonnes pratiques
- évaluer
- inciter
- dénoncer les récupérations
- légiférer
Ces deux journées se sont conclues par un RV donné dans un an et par la mise en chantier d’un rapport, demandé par François Hollande. C’est là que je reste sur ma faim. Jacques Attali nous dit que ce ne sera pas SON rapport, mais le NÔTRE, à nous tous dans la salle. Mais comment va-t-il être rédigé ce rapport annuel, bilan de l’économie positive? Suffit-il d’être partenaire (financier notamment) du LH Forum pour être labellisé « Eco+ »? Y aura-t-il un comité indépendant pour choisir les critères et évaluer ensuite les entreprises candidates? Où sont tous les acteurs de type chambre de l’ESS, coopératives? Où est Jean-Marc Borello du Groupe SOS? Quid des territoires (c’était le sens de mon intervention en fin de colloque)?
Je tente de ne jamais tomber dans la facilité du procès d’intention. Mobiliser autour de l’idée d’une économie positive me plaît. Mais comment on le fait… That’s the question. Et vendredi soir, en rentrant chez moi, j’avais un sentiment épais d’inachevé. Je ne peux alors que formuler un voeu: que toutes les personnes présentes soient bientôt contactées pour participer à la suite, que l’on puisse exprimer nos attentes, que la construction de ce concept d’économie positive fasse appel à des énergies au-delà d’un seul réseau de partenaires du Forum. J’attends donc de voir…
Ces deux journées ont aussi été l’occasion de découvrir des initiatives, des personnalités et de rencontrer des porteurs de projets passionnants. Je veux évoquer ici:
- Andrew Kassoy fondateur de BCorporation, pour son intervention très TedX compatible sur les entreprises durables,
- Catherine Berthillier de Shamengo, pour ses portraits d’acteurs « durables » des 4 coins du monde (j’en ai d’ailleurs parlé dans mon émission Ton Libre du 13 septembre),
- Douglas Riboud et Justin Guibert de Harmless Harvest, parce qu’ils étaient à mes yeux les zuckerbergs de l’eau de coco éthique,
- François-Ghislain Morillion de Veja, j’en parle largement ici,
- Saïd Hammouche de MozaicRH, pour sa conviction et la valeur de son projet d’accompagner les entreprises pour la diversité dans leur politique des ressources humaines,
- François Taddeï, chercheur de l’INSERM, pour avoir souligné la richesse de l’intelligence collective,
- Pierre-Emmanuel Grange de Microdon, projet auquel j’avais consacré une chronique il y a de cela quelques temps déjà.
Pour la route, une très courte vidéo, pour l’ambiance…
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Vous y êtiez? Votre avis m’intéresse…