« je ne suis pas tranquille j’entends la nuit. J’entends son souffle. Je l’entends haleter. J’entends ses étoiles s’effondrer. Je bouche mes oreilles et j’entends plus fort plus profond. Je l’entends qui suinte contre les murs des maisons des immeubles. Je l’entends qui s’immisce par le trou des serrures je l’entends son chuchotement lugubre je l’entends son sourire noir. Je ne suis pas tranquille depuis que je l’entends agiter chaque feuille d’arbre tous à la fois je l’entends éveiller les araignées des caves des greniers les renards à l’orée de la ville. J’entends les battements de ses ailes leurs courants d’air frôler les murs de la ville j’entends son œil vitreux vissé à chaque lampadaire dans chaque rue dans chaque sente à la croisée des avenues où grillent mille insectes. J’entends les rideaux qu’elle tire aux fenêtres j’entends sa course folle bourrasque qui éteint la ville. J’entends la sueur qu’elle fait perler dans mon cou j’entends le battement de mon cœur qu’elle accélère j’entends l’air qui s’alourdit sous son ombre j’entends le ciel s’évanouir dans son sillage. J’entends la nuit. L’entends-tu toi aussi ? L’entends-tu toi aussi ? J’entends les vagues qu’elle fracasse quelque part sur des rochers noirs et lointains. Je tiens ma tête entre mes mains et j’entends son tourbillon enserrer mon cerveau j’entends la nuit son souffle haletant s’approchant j’entends son haleine fondre sur moi j’entends le noir chanter de toute part un air sépulcral j’entends ce qu’elle puise à son heure des tréfonds j’entends les poulies qu’elle tire et active j’entends les chariots plein crissant sur leur rail remontant des profondeurs j’entends le feu de la nuit il crépite j’entends les flammes sur ma peau son odeur brûlée j’entends mes os à vif mes chairs se consumer. Je ne suis pas tranquille j’entends la fin. J’entends je ne suis pas »
Déc
19