je te remercie toi mon corps ma forteresse toi que j’occupe ma demeure aux mille habitudes tes plis tes plaies ton ventre arrondi au carré tes mouvements ton reflet détesté parfois et pourtant que je sais mon château fort, mur infranchissable toi mon corps comme une chambre, rien qu’à moi
je remercie la joie qui m’habite comme volcan malicieux la lave en pente douce sur les épaules dévale et éclaire mon chemin en fumerolles parfumées fleur d’oranger citron chocolat, la joie volcan et sorbet à la fois comme la chaleur rencontre le froid les papilles sautillent de joie tout entière habitée
merci toi l’appartement des premiers souvenirs, tardifs et puis quoi peu importe, tu les tiens ils sont tiens alors à toi je reviens : cueillette panier à la main, le remplir de sédiments, couches épaisses pour amortir les chutes, spongieux sédiments de souvenirs derrière ta porte
je me dois de citer le lierre ne vous y trompez pas, non pas la plante qui s’agrippe qui veut tenir et les murs et le monde non le nom de la rue oui celle-ci rue du lierre, ta courette en triangle, un chez-nous derrière, la chambre qui manquait, le téléphone comme il résonnait dans l’absence encore à meubler, ils viendront bien à temps, les meubles, merci oui nous nous sommes agrippés à tes meubles, ta rue, ton nom notre chez-nous le lierre qui grimpe finalement oui retient un monde
mon éternelle reconnaissance à l’exil qui ne m’a jamais poussé de mon habité à la rue qui débute c’est facile devant la porte puis il faut tourner puis il faut la nuit puis il faut traverser chuchoter payer avancer résister subsister marcher et la mer et l’océan et le vide et les sons inconnus et le vent inconnu et le soleil lui-même qu’on croyait le seul à régler l’univers change vite de couleurs quand on est loin de chez soi, merci à l’exil d’être mon étranger mais entre assied-toi et respire
que dire de la terre, oui la terre noire boueuse entre les orteils, celle qui sent la jachère, elle aussi elle mérite mon merci, le plus profond mais qui ne saurait égaler les mille racines qu’elle tient de part et d’autre les horizons, oui cette terre assoiffée là, brûlée là, empoisonnée là comment dire merci à celle que la mort berce, une caresse sur la joue comme merci planter un arbre [du tac au tac la terre me répond tu te trompes la mort marche sur moi m’habite comme toi mais n’a pas d’emprise sur moi ; mais toi les tiens, oui les tiens, habitant ton humanité, mauvaises herbes c’est vous que la mort emportera, merci bien]