Parfois on commence mal un livre. Mais on ne s’en rend compte qu’au bout de plusieurs pages. Il y a des livres qui se laissent très bien lire dans la fatigue du soir, de la chambre, du lit. D’autres non.
Exquise Louise, je l’ai mal ouvert. Pourtant, je l’ai ouvert avec mon coeur, croyez-moi. Mais ça ne suffisait pas. Je l’ai compris à la page 36 (le livre en compte 77). Alors j’ai rebroussé chemin. J’ai attendu un peu. Louise a patienté sur ma table de chevet, dans ma voiture, dans mon sac à main.
Je l’ai repris un jour que j’avais l’esprit espiègle, un jour que je sentais en moi l’envie de m’amuser de tout, de m’émerveiller de rien, un jour où je rêve, je souris, je chante, je danse. Alors, j’ai compris que j’étais là entrée dans le temps de Louise. Il ne me restait plus qu’à m’offrir en abandon à sa lecture.
Vous savez, Exquise Louise, c’est un livre qui rassure. Parfois on se dit qu’on est rien. Un être de rien, dans un monde immense, invisible aux autres et aux choses. Ces moments où les douleurs reviennent en boomerang. Ces moments où on pense ne pas tourner rond, où on croit qu’il faudrait obéir à l’ordre des choses: un carré est un carré.
Et puis voilà Louise. Un univers dans une dent de lait, dans une fourmi, dans une crinière rousse, dans un arbre qui fait vibrer l’air, dans une paire de ciseaux. Peut-être est-elle la cousine d’Alice, Louise.
Louise m’a rappelé, quel bonheur, que chaque être est aussi important que l’univers car chaque être porte tout l’univers. Qu’on a le droit de trouver une flaque d’eau magnifique, oui je m’en souviens de cette flaque, on passait, elle m’avait enchantée. Qu’on a le droit de sauter de son lit la nuit pour voir si la neige est enfin arrivée, mettre ses bottes si elle est là, juste poser un pied pour l’entendre craquer, puis retourner se coucher. Qu’il faut être un peu fou et continuer de rêver.
Alors, je vous le dis sans détour, lisez Exquise Louise, un jour où votre soleil intérieur vous irradie, un jour où vous vous sentez amoureux, un jour où vous voulez refaire le monde, un jour où vous sentez que tout est possible, un jour où vous avez vu cette petite chose insignifiante qui vous a procuré cette sensation, ce frisson intérieur, vous savez, celui qui détend en quelques frémissements, de quelques secondes à peine, tous les muscles, de la nuque au dernier des orteils. Ces quelques secondes non pas perdues mais gagnées. Vous pourrez alors plonger les yeux dans l’univers de Louise, elle va vous en montrer des choses, auxquelles vous n’avez jamais songé, ou bien si, au contraire, vous vous souviendrez et ça vous fera du bien.
Il me reste une seule question. Louise deviendra-t-elle une femme?
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Exquise Louise, par Eugène Savitzkaya, 2003, Les éditions de minuit.
Instructif
[…] Exquise Louise, d’Eugène Savitzkaya, aux Editions de Minuit, je vous en avais déjà parlé! […]