Lorsque la dernière des utopies à portée de nos existences est la poésie il faut la saisir la couver lui offrir le monde entier, ce qu’il en reste, lui confier les doigts noueux de l’ancienne la voisine et les arbres à l’unisson. Leurs feux à écrire au noir charbon, leurs racines à soulever le bitume de nos vies d’avenues marchandes. Des histoires à arrêter les cœurs, paniques quand le cadran bruisse de secondes en urgences immobiles. Lorsque la dernière des utopies à portée de nos regards est la poésie il faut la laisser poser son nuage brume autour de chaque mot la laisser s’infiltrer dans chaque faille là où les continents creusent les océans là où les glaciers rendent les eaux passées la laisser s’emparer de toutes nos langues emplir nos bouches enivrer nos papilles caresser nos gorges et nos mains. Lorsque la dernière des utopies à portées de nos pas est la poésie il faut alors renoncer à ce que nous savons des choses et des mots, l’autoriser à nous transformer comme elle fait de la feuille morte une arabesque, du verre brisé du sang, du ciel un mouvement, de la peau des secrets, d’un chemin des éclats, d’une lumière une musique, d’un œil un gouffre, de l’histoire des falaises, du temps des boucles emmêlées. Lorsque la dernière des utopies à portée de nos fins est la poésie il faut la laisser inventer un sillon la laisser y poser les pierres que nous reconnaîtrons un jour, un jour, un-jour, leurs reflets opalins pour guide lui laisser notre place la laisser advenir, un jour nous reviendrons, la poésie.
Oct
18