Ta ville est dépeuplée elle est hantée c’est toi.
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Il y a deux façons de marcher tout droit dans ma ville. Choisir la ville du haut c’est choisir les corps les arbres les vivants les regards aux fenêtres sur la Rue Grande penchés. Choisir la ville du bas c’est opter pour sa mécanique, son plan d’avenues parallèles, de rues perpendiculaires opter pour les moteurs leurs autos leurs vies déplacées trop vite dans la ville.
Marcher les yeux fermés dans ma ville haute. Avancer. Sentir les ronflements de la ville basse sous mes pieds. Sentir les camions me traverser, la mobylette me frôler mais toujours les yeux fermés avancer. Reconnaître le mur de la piscine, gauche, la plaine verte, droite, à lécher l’église. Découvrir l’alignement de bancs traversés sentir le bois ses nervures à mon sang se mêler et aimer. Traverser les blocs de béton, garantissent ici la vie piétonne, froids à l’intérieur. Leur prélever et emporter sous ma peau des miettes blanches comme du sable de ma ville, passer devant l’ancienne école. Je n’ai pas trébuché. Arriver sur la place le cinéma d’un côté et marcher le vidéo-club de part en part les yeux fermés et pourtant voir mon corps se transformer, bandelettes sombres cassettes brillantes jungle Vietnam Histoire cheval par la boue emporté j’ai pleuré un lapin une trompette boucher mes oreilles continuer ma ville droite sous mes pas chaises plastiques sous un parasol trois verres à l’ombre sentir les bulles sur ma langue puis un trait anisé la pénétrer continuer. Jusque l’arbre il y a un banc à côté mais décider de m’y arrêter. Dans l’arbre sentir sa sève se glisser aux artères mon sang remplacé dans son creux sentir mes rides comme lignes pour nous souvenir de mes années, dans sa densité sentir ma peau épaissir sentir mes ongles devenir racines et branches dans sa frondaison sentir mes semblables vibrations infimes messages codés sentir la forêt sentir ma ville comme jamais sentir l’insecte et l’oiseau dans sa verticalité sentir l’asphalte de ma ville se soulever par notre seule volonté sentir le vent le soleil le vivant dedans comme jamais.