Les couloirs le matin sentaient le détergeant. Parfois les sols encore humides. On ne savait pas qui avait déposé cette odeur cette fine pellicule d’eau où poser nos centaines de pas désordonnés. Il y avait les rangées que nous formions calmes certains matins tumultueuses le vendredi souvent. Il y avait les professeurs qui apparaissaient aux angles des couloirs clés à la main ouvraient la salle de classe demandaient le silence le vendredi souvent. Il y avait le bruit des chaises crissements stridents frottements fatigués le vendredi souvent. Il y avait la leçon qui débutait le tableau noir et les craies la voix qui disait les choses à savoir les chuchotements qui l’entouraient. Il y avait le stylo plume les lettres déposées dans les cahiers, penchées, la tâche d’encre le vendredi souvent.
Le collège est fermé. Le vendredi, les jours précédents aussi. Définitivement. La carte scolaire transformée. Les parents ont manifesté. Plus personne ne respire les couloirs, n’introduit de clé dans les serrures, n’efface la craie au tampon nuage blanc évanescent autour de cette main agitée. Les rideaux sont tirés. Il n’y a plus la sonnerie, il n’y a plus les boulettes de papier la phrase chuchotée de tables en tables répétée, les rires définitivement étouffés. Il n’y a plus les cartables contre les murs jetés. Les escaliers ne sont plus dévalés, les angles des couloirs ne cachent plus le professeur de français. Les cartes du monde ne sont plus accrochées, sédimentent quelque part, géologie fleuves grandes villes entassées conjuguées au passé. L’encre séchée, les tâches et le vendredi oubliés.
Un vendredi. Des couloirs presque hantés. Tendre l’oreille et percevoir comme un écho profond venu du passé un écho qui ne voudrait pas s’arrêter un écho comme gardien des années écoulées. Nos pas ne sont plus ceux d’avant ils filent droit n’osent pas s’engager dans leurs chemins d’antan. Retrouvailles silencieuses. C’est étrange comme nous avons vieilli plus vite et plus fort que les lieux. Eux ont su garder c’est l’écho ! c’est l’écho ! une vibration comme si l’air continuait ici seulement à se déplacer à hauteur d’enfant, atteint nos ventres en premier remue l’intérieur comme si nos souvenirs étaient gardé là dans nos tripes. Nos front sont ridés le gris se répand et pourtant, on regarde nos doigts on croit y voir une tâche d’encre. Le tableau lui reste noir, muet et condamné. On voudrait le libérer.