non pas l’histoire de trois fées d’un berceau d’un sort d’une belle étoile d’un château d’un jardin d’une vie heureuse d’un paysage aquarelle
non pas une tragédie en trois actes, les entractes oui plein partout premiers rôles, éteintes les voix qui déclament, bâillonnés les comédiens, remercié le rideau, poussières en plateau
non pas un roman où un homme arrivé quelque part deviendrait le héros de pages de péripéties, cheminerait de chapitres en chapitres, y rencontrerait des paragraphes de personnages hauts en couleurs, méditerait les rimes d’un poé-paysage, dirait ses vérités couronnées de guillemets
non pas le témoignage pour débat du dimanche soir dedans et devant la télé je suis contre évidemment mais tout de même, on connaît la ritournelle
non pas les confessions d’un enfant du siècle dernier juste une voix qui mélange les jours de pluies et ceux de grands soleils, ceux qui brillent dans le ciel et dans la cuisine, brûlent la rétine et le cœur, transforment la peau et la sève
non pas des dialogues juste des voix, murmurent pour faire exister les vides, remplissent l’intérieur et les rêves, dégagent les poumons et les veines, agitent les doigts et les yeux
non pas un huis-clos juste des lieux quelques-uns, dessinent une géographie intime, débordent le temps et l’espace minuscule, d’une presque vie
non pas un jeu peut-être une piste un puzzle oublié au grenier on ne verra jamais le plein dessin, une mosaïque antique qu’il faudrait reconstituer
non pas un livre mais un arbre, non pas généalogique mais avec des racines, non pas sapin mais un feuillage à l’automne s’éclaircit dans le vent feuilles tombées nourrissent le sol d’où naîtra un jour peut-être une cabane à habiter toute entière, non pas un livre mais des fragments sauvés d’une vie inondée ne reste que ça faut faire avec, imaginer le reste.
