Je t’imagine comme cet interrupteur.
Tu fais clic, je te vois, toi lumière, toi fil incandescent.
Tu fais clac et m’ouvre la nuit, celle que
tu as dompté
depuis longtemps car
tu sais déjà, clac les étoiles, clac les draps, clac les peaux, clac la sueur.
Je t’imagine comme tu es ON tu es OFF, tout
à la fois.
OFF je t’imagine et prends mes clics, mes clacs. OFF,
de tes deux visages l’un j’abandonne, l’un je quitte
et bats en retraite car je t’imagine comme charbons ardents éteignant
le monde
autour de toi, je t’imagine comme tu l’épuises, le vide.
ON rayonne, flamboie,
Je t’imagine comme à toi tu attires
les moustiques, ta chaleur,
piquent, mais c’est toi qui suce le sang
des vivants.
Je t’imagine et ça gratte
la piqûre, la peau irritée, boursouflée.
ON,
Je t’imagine comme
les trois coups de bâton chut « le spectacle commence » ON AIR, la scène, les voix, les visages grimés ; ça joue, ça ment, ça cache un corps (dans le placard !), lui dans le noir car
ici, il n’y a pas d’interrupteur, ON AIR. Il faut, allez, continuer, jusqu’au bout car ON
Seuls des regards vers la scène, les lueurs et toujours ça joue, ça transpire, ça dit, déclame, tremble les peaux sur scène et l’obscur.
Je t’imagine comme cet interrupteur,
met un terme, arrête, « ça suffit, c’est fini ». Le rideau se baisse, ça chuchote « t’as aimé ? ». On applaudit ?
Je t’imagine comme le rayon plonge, là où la mer n’est plus qu’une ligne, un filament, incandescente dès
qu’il la frôle, peau à peau de lumière et de mer, premier contact, là où
tout se joue.
Clic. Je t’imagine comme
l’éclair meurt dans un ressac ou un pli, peut-être, je t’imagine comme tout cesse. Un drap, une peau pâle, OFF. Des yeux clos, pas un geste.
Je t’imagine comme cet interrupteur, comme ça s’arrête, comme ça s’achève. Clac, une poignée de terre, clac une larme, clac, toute de noir. Je t’imagine comme cet interrupteur. Tout ou rien. Je t’imagine comme cet interrupteur, de cette cage d’escalier qui tourne, tourne qui bas qui haut, le tournis. C’est la vie le tournis, le feu puis le noir. Je t’imagine comme poser le doigt, comme choisir l’étincelle parfois, comme préférer les ténèbres souvent. Je t’imagine comme la caresse de la lumière. Je t’imagine comme tu ris de ces vivants à toi aimanté, désormais parfum grillé, ampoule grillée, ne reste plus que les ombres
quand seule la lune leur donne
vie.
Je t’imagine comme cet interrupteur. Je t’imagine comme l’étincelle. Je t’imagine comme le souffle qui éteint,
interrompt la magie, la bougie
qui comptait les années
clic, une de plus
clac c’est la fin.
Texte écrit dans le cadre d’un atelier d’écriture s’appuyant sur le travail de Milène Tournier.