Après l’accompagnement de la Région Normandie sur la conception et l’animation de ces 5 ateliers de concertation, pour l’élaboration de son Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires (SRADDET), le temps était venu le 2 octobre de rendre compte des résultats de cette phase largement ouverte aux acteurs du territoire. C’était au Zénith de Caen et près de 500 personnes avaient fait le déplacement pour l’occasion.
La rencontre était organisée autour de deux tables rondes. Retour sur l’événement.
« Maillage du territoire : l’équilibre par la coopération »
Participants :
- Guy Lefrand, Vice-Président de la Région Normandie, en charge de l’aménagement du territoire, des relations avec les collectivités locales, de la ruralité et de la démographie médicale
- Bruno Dumont, Directeur grands partenariats & pilotage des politiques publiques – Région Normandie
- Thierry Lochard, Chef de projets mobilité & projets urbains – Agence d’urbanisme de la région du Havre & de l’estuaire de la Seine
- Vincent Breteau, Directeur général adjoint transports & aménagement du territoire – Région Normandie
Pour Guy Lefrand, la complémentarité en lieu et place de la concurrence territoriale n’existe pas dans la réalité. D’ailleurs l’émulation est pour lui positive en vue de l’attractivité et l’innovation. Il faut néanmoins développer les complémentarités : les mobilités doivent être organisées en repérant les différents niveaux de complémentarités, sujet par sujet et ainsi inventer la gouvernance ad hoc: Il ne faut pas avoir des organisations rigides, il faut être souple.
Mobilités, hyper mobilité, non-mobilité
S’agissant de la périurbanité, des espaces interstitiels, il est attendu du SRADDET une approche plus qualitative en termes d’aménagement, de gestion économe de l’espace, de mixité fonctionnelle, dans une logique prospective.
Par ailleurs, le sujet du numérique est totalement interpénétré avec l’ensemble des sujets relatifs à l’aménagement du territoire. S’agissant des mobilités et des échanges entre les territoires, la question a souvent été celle de la substitution : peut-on substituer de la mobilité par le télétravail par exemple ? En réalité, il s’agit plus de complémentarité que de substitution, entre différents types de mobilités et de « non-mobilité » à travers les technologies numériques. Il est donc essentiel d’équiper le territoire en infrastructures numériques et en ressources de type espaces de coworking, tiers-lieux dans les différents niveaux de l’armature urbaine : les métropoles, les villages. La démarche du SRADDET c’est aussi l’occasion d’être ouvert, d’être à l’écoute des initiatives locales qui existent ou qui sont envisagées. Les territoires peuvent faire remonter leurs expériences & expérimentations pour les soutenir le cas échéant et si elles sont concluantes, pouvoir les proposer à d’autres territoires.
Le coworking est lié à l’hyper mobilité: des déplacements plus intelligents, mieux organisés et pensés collectivement. Le télétravail peut apporter du confort, permet de mieux articuler les temps de la vie. Il s’agit de construire ainsi une autre mobilité. L’armature de la région avec trois villes d’importance (Caen, Le Havre, Rouen) est particulièrement intéressante. Le SRADDET ne doit pas tomber dans le piège de ne s’occuper que de ces trois grandes métropoles. La Normandie a la chance d’avoir une armature urbaine avec un maillage de proximité. Tout l’enjeu est de savoir comment on plaque sur ce maillage un maillage des mobilités qui corresponde aux besoins des habitants, qui soit coordonné. Il reste beaucoup à faire en termes de rabattement sur les gares et haltes ferroviaires, de services offerts dans ces lieux, de nouvelles fonctions à leur donner. Pour les « petits » EPCI, la compétence transport qui fait d’eux des AOM (Autorités Organisatrices des Mobilités), sous le chef de filat de la Région en tant qu’AOT (Autorités Organisatrices des Transports), est complexe à mettre en place. Mais ils ont la force de leurs SCOT & de leurs PLUI donc celle de l’organisation de leur territoire. Avec le SRADDET il s’agit de voir comment on met en complémentarité les réseaux.
Des marchandises et des hommes
La Normandie est une grande région logistique, les attentes sont donc naturellement fortes, avec les ports du Havre & de Rouen notamment. Il faut devenir encore meilleur pour répondre à cet enjeu de développement économique. Il y a un besoin d’infrastructures ferroviaires, routières, fluviales & portuaires mais surtout d’innovations dans les services tels que les systèmes de suivi des marchandises à travers les chaînes logistiques, avec la révolution de l’Internet des objets, la blockchain également. Il y a aussi l’enjeu de réduire les impacts liés au transport des marchandises : le report modal, les contournements de pôles urbains. D’ailleurs, la Région a choisi de traiter un des volets optionnels des SRADDET, à savoir la logistique car c’est un enjeu d’aménagement du territoire : les régions les plus fortes en la matière au niveau mondial sont celles qui ont réussi à mettre en place des dessertes terrestres des ports qui sont efficaces et respectueuses de l’environnement au sens large.
« Qualité de vie : la résilience par l’innovation »
Participants:
- Guy Lefrand, Vice-Président de la Région Normandie, en charge de l’aménagement du territoire, des relations avec les collectivités locales, de la ruralité et de la démographie médicale
- Bruno Dumont, Directeur grands partenariats & pilotage des politiques publiques – Région Normandie
- Sophie Raous, Coordinatrice – Institut Régional du Développement Durable
- Sandrine Mésirard, Directrice énergie, environnement, développement durable – Région Normandie
Le changement climatique, lutter & s’adapter
Des ateliers est ressortie une expression très largement partagée autour de l’adaptation au changement climatique tout en continuant à lutter contre les dérèglements. Les acteurs ont montré qu’ils percevaient les impacts du changement climatique en Normandie et ont manifesté leur envie d’agir. Les acteurs se projettent déjà dans l’action, au-delà de la planification des enjeux & objectifs dans le cadre du SRADDET.
L’IRD2 est un institut qui a été cofondé par la Région Normandie & l’Université pour faire le lien entre des préoccupations de décideurs locaux & les programmes de recherche & d’enseignement supérieur. L’idée est d’amener une prise de recul aux territoires en faisant intervenir des chercheurs qui amènent des éclairages. L’institut travaille sur toutes les thématiques du développement durable. S’agissant de la question du climat et des gouvernances nouvelles que cette problématique peut apporter le dispositif régional « Notre littoral demain » témoigne de nouveaux processus à l’œuvre. L’institut en est partie prenante. Il s’agit d’accompagner les élus littoraux pour écrire des stratégies à long terme d’adaptation aux changements côtiers. L’institut amène les éclairages d’économistes, géomorphologues, climatologues, juristes, historiens pour échanger avec les élus locaux. Cette démarche a permis de se rendre compte de l’évolution de la perception du risque et de la volonté d’apporter des solutions à l’échelle des changements risquant de causer des dommages sur les littoraux. Les territoires s’organisent pour réfléchir ensemble, organiser des solidarités pour trouver des réponses cohérentes, y compris avec les communes d’arrière littoral car les problématiques ne concernent pas que « la bande des 100m ».
La résilience comme principe d’aménagement
La question de la résilience est fortement sortie des échanges, tant lors de l’atelier ressources que de l’atelier « territoire vécu » par les habitants, où il a été question des risques naturels & technologiques, de prévention & d’adaptation, où il a également été questions des services ; ce qui fait le lien avec la première table ronde. Les enjeux d’un habitat durable y ont aussi été largement abordés : économes en espace, évolutifs, répondant aux besoins futurs pour prendre en compte les questions de la jeunesse ou du vieillissement de la population. Le SRADDET aura ainsi à mettre de la transversalité & de la cohérence entre durabilité des territoires & la qualité de vie à offrir collectivement aux habitants de la Normandie dans les années et décennies à venir.
Les sols, une approche multifonctionnelle
La présence de la question des sols dans le SRADDET est particulièrement intéressante parce que la préservation des sols a un impact sur l’atténuation du changement climatique, sur la santé, sur l’alimentation, sur l’épuration & le stockage de l’eau, sur la filtration des polluants, … On ne connaît que 10% de la biodiversité des sols et pourtant ils ont un rôle dans la création des médicaments (par exemple les premiers antibiotiques ont été synthétisés à partir de bactéries qui étaient dans les sols). Ils jouent un rôle crucial dans toutes nos activités. Donc faire apparaître cette ressource et la multifonctionnalité des sols dans un document comme le SRADDET donne une cohérence entre les politiques que l’on peut mener sur le développement durable. Lorsque l’institut a commencé à travailler sur ces questions certains des interlocuteurs ne voyaient dans les sols qu’une vocation foncière.
Un des intérêts du SRADDET est de pouvoir intégrer différents schémas préexistants, notamment les SRCE (schéma régional de cohérence écologique) et SRCAE (schéma régional climat, air & énergie), ou encore le Plan déchets et ce faisant de porter une vision complètement transversale ; ce qui permettra de moins être dans la segmentation des approches. Les sols pourront être appréhendés comme un tout, avec leurs différents usages, utilités & bénéfices pour la biodiversité, l’agriculture, l’urbanisme, …
Il est positif de constater l’appropriation par les élus, les habitants de ces enjeux. Plusieurs communes envisagent de travailler sur la réimplantation de vignes ! Les élus locaux ne plantent plus les mêmes arbres qu’il y a 10 ans parce que l’impact du changement climatique est compris. La difficulté réside aussi dans la diversité des situations locales : A moins d’1h de distance, deux communes peuvent connaître une pluviométrie très différente. Alors comment créer du lien pour avoir une politique globale au niveau de la Région ? La résilience c’est donc aujourd’hui d’accepter ce qui existe et ce qui va arriver et faire en sorte de le positiver. C’est tout l’environnement, au sens large, qui change. Le foncier, c’est du développement économique, de l’agriculture, de la biodiversité, du tourisme, … Comment faire en sorte que tout ce biotope se retrouve pour avoir à la fois une industrie dure, une agriculture de qualité & raisonnée ainsi qu’une biodiversité qui favorise le tourisme fluvial qui explose aujourd’hui sur les territoires ? Tout cela n’est pas incompatible. On en revient à l’enjeu de complémentarité : industries, agricultures, biodiversité peuvent vivre ensembles sur un territoire ; c’est le rôle du SRADDET. C’est une forme de vivre ensemble.
Planifier pour innover & expérimenter
Le SRADDET aura pour ambition de fixer de grands objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre domaine d’activités par domaine d’activités, préexistants dans le SRCAE. Le positionnement de la Région est d’ores et déjà d’accompagner les acteurs dans leur déclinaison en actions, en proposant un certain nombre d’outils. A titre d’exemples, trois appels à manifestation d’intérêt ont été lancés en juillet dernier :
- « Territoires 100% énergies renouvelables » pour accompagner des stratégies locales visant l’autonomie énergétique à l’horizon 2040,
- « Territoires durables 2030 » pour accompagner des stratégies de développement durable multidimensionnelles afin que les territoires s’emparent des thématiques de biodiversité, d’eau, d’économie circulaire, d’agriculture, de développement économique, …
- Un troisième AMI sur les plantations de haies.
C’est l’objet initial de l’IRD2 de donner aux décideurs locaux (élus, associations, écoles, entreprises) l’opportunité d’une prise de recul, pour changer de regard. Cette évolution est réelle concernant l’agriculture qui a longtemps été perçue comme l’une des causes du dérèglement climatique. Avec le dispositif 4 pour 1000 sur la séquestration du carbone dans les sols, l’agriculteur redevient un élément de la solution. L’IRD2 intervient pour cela, faire changer les regards, avec l’appui de chercheurs. L’institut travaille également sur la valeur de la biodiversité, perçue encore comme une contrainte réglementaire, pour mettre en évidence les services écosystémiques qu’elle rend : toutes nos activités économiques s’appuient à un moment ou à un autre sur la biodiversité. Elle doit être comprise comme une opportunité, et non une contrainte.