La transformation numérique des Administrations est une (r)évolution incontournable et elle est engagée, plus ou moins. Ce qui la différencie du secteur marchand, c’est qu’elle ne vise pas un acte de consommation. Elle doit permettre de rendre des services aux publics, auxquels les usagers sont très attachés et pour lesquels ils s’agit bien souvent d’accéder à des Droits. Ici, l’enjeu de la fracture numérique est d’ailleurs encore plus prégnant. Bien que cette transformation numérique intervienne dans un univers dématérialisé, elle interroge l’aménagement du territoire. Du smartphone en poche, de l’ordinateur à domicile, aux espaces d’accueil physique des Administrations, l’usager attend que le service public soit à sa proximité.
Nos services publics se numérisent, soyons du voyage!
Caux Seine Agglo, dans le cadre de sa semaine MSAP [Maison des Services Au Public], organisait ce 18 octobre une rencontre sous le thème « Nos services publics se numérisent, soyons du voyage! ». Pôle Emploi, CARSAT, CPAM, élus y participaient pour débattre des défis qu’ils ont à relever.
De l’obligation sociétale, à la nécessité économique d’efficience et d’évolution des métiers, les Administrations déploient des outils qui leurs sont propres pour gérer la relation usager. Elles doivent réinventer la notion de proximité et s’appuient pour cela sur leurs alliées des territoires: les collectivités qui mettent en place des dispositifs tels que les MSAP, qui organisent des ateliers de découverte dans les mairies, pour que la proximité numérique soit aussi une proximité dans le contact humain.
Plus de temps pour gérer la complexité
Le numérique reste un outil. Évidence. En complémentarité des portails & diverses applications, les Administrations s’engagent à réserver le temps de conseils pour gérer les demandes complexes, celles qui ne peuvent se régler en trois clics. Chez Pôle Emploi, le temps consacré à ces rencontres a augmenté de 38%. La CPAM atteindra les 30 000 RV fin 2016, contre 15000 en 2015. Pour autant, le passage au numérique reste souvent perçu comme un désengagement du terrain, en particulier pour les personnes dont la situation personnelle, précaire, ne facilite en rien l’accès aux services numériques.
La CARSAT doit quant à elle faire face à la particularité des services qu’elle propose. A la différence d’un compte AMELI ou Pôle Emploi sur lequel on peut prendre des habitudes de recherche, de consultation de données, de gestion de formulaires dématérialisés, en matière de retraite, le contexte est unique: on demande sa retraite une fois, on le fait sur un temps particulier de sa vie, on attend des réponses sûres & rapides, on attend un accompagnement à la hauteur de ce moment extra-ordinaire. Oui au numérique mais oui aussi aux outils qui rassurent, qui mettent en confiance, à l’image du système de notification par SMS des étapes d’enregistrement et de gestion du dossier individuel.
Comment construire les bons outils?
Outre les représentants des services publics cités plus haut, la rencontre accueillait Olivier Dulucq, enseignant en prospective et concertation à Sciences-Po Rennes. Son regard était particulièrement riche et éclairé. Parler de transformation numérique des Administrations et des services publics, est-ce uniquement parler de modernisation de services existants? Faut-il continuer à traiter le citoyen par une approche en silo, propre à chaque Administration? Faut-il continuer à rester dans une prétendue immuable catégorisation bénéficiaire / producteur de services?
Pour lui, ce n’est pas tant la modernisation qui est en jeu mais plutôt l’identification d’attentes nouvelles.
« Nul besoin de bureau de tendances ou de designers. Invitez les usagers autour d’un café et demandez-leur comment ils font, ce dont ils ont besoin. C’est avec eux que vous imaginerez les services publics numériques de demain. »
Alors que beaucoup de services publics se recentrent sur une articulation numérique pour tous et conseils en présentiel individualisés, Olivier Dulucq attire l’attention sur les nouvelles formes de collectifs informels: groupes Facebook, forums d’entre-aide, etc. Alors que les citoyens recréent du collectif pour répondre à leurs besoins, pourquoi continuer à vouloir toujours les individualiser? Il y a là aussi sans doute à inventer de nouvelles dynamiques.
Pour des services publics construits à l’horizontale
S’il fallait retenir une idée-clé, sans doute serait-elle celle-ci: dès aujourd’hui, il faut penser demain autour de services publics coproduits; l’expertise d’usage constitue une richesse encore trop souvent inexploitée. La modernité des services publics se niche plus dans le processus d’élaboration que dans l’outil, numérique ou pas, de mise en œuvre. Une approche horizontale, voire transversale pour imaginer ensemble des solutions répondant aux attentes et impératifs de l’ensemble des parties prenantes des services publics.
[#YaPlusQuà]
Photo: Caux Seine Agglo
[…] Ce fut un plaisir d’animer ces Assises, cela s’inscrivait dans la continuité d’une précédente mission aux côtés de l’Agglomération sur la transformation numérique des Administrations. […]