Depuis 5 ans, l’ADEME et le CEREMA ont lancé un programme de suivi et de recherche autour des bâtiments basse consommation (BBC) en énergie: PREBAT. Ce 4 octobre, ils réunissaient les professionnels – architectes, bureaux d’études, maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, constructeurs – pour une journée technique de restitution des enseignements à la fois locaux et nationaux. Paramètre particulièrement intéressant, ce suivi inclut un volet sociologique, qui vient questionner les interactions entre l’occupant (vous pouvez aussi l’appeler l’usager ou l’habitant) et le BBC.
La performance, un objectif pas si objectif
J’ai eu le plaisir d’animer cette rencontre tenue au Musée des Beaux Arts de Rouen et organisée autour de l’enveloppe du bâti, les systèmes énergétiques (chauffage, eau chaude sanitaire, ventilation), le confort & l’occupation, ainsi que de la question de la qualité de l’air intérieur. Je ne vais pas ici revenir sur l’ensemble des résultats du programme PREBAT, ni sur les chiffres et les données techniques. Je vais plutôt tenter de souligner les points qui me semblent ouvrir de nouvelles approches, voire des remises en question.
La performance énergétique doit être recherchée dès les premières études de conception. Il faut prendre le temps d’identifier les potentielles faiblesses des bâtiments à venir, qu’ils soient tertiaires ou pas, pour choisir les options les plus opérantes. Il ne s’agit pas de colmater les brèches à la va-vite. Dit comme ça, l’évidence est criante, pourtant plus les points de vigilance sont repérés en amont – notamment s’agissant d’étanchéité à l’air -, plus on peut efficacement piloter la mise en œuvre des solutions, ce qui n’est a priori pas encore suffisamment le cas.
Ensuite, ce sont les systèmes qui entrent en ligne de compte. Là, les choses deviennent plus complexes car elles se confrontent aux occupants. Propriétaires, plus encore les locataires ou les salariés, ne sont globalement pas mis en condition pour comprendre, maîtriser les systèmes qui interviennent dans leur quotidien. Parfois même, ils sont considérés comme éléments perturbateurs de la performance… L’humain au cœur n’est pas encore le mantra en matière de BBC.
« Ma VMC double flux permet de climatiser ma maison en été »
De plus, et malgré toute leur bonne volonté, bien souvent les occupants agissent à contre-emploi. Il en est ainsi des nombreuses personnes qui pensent qu’une VMC double flux est une climatisation. Alors la performance – objectivée par les calculs théoriques suivant la Réglementation Thermique, parfois complétés d’une simulation thermique dynamique – devient-elle plus aléatoire entre les mains de non-experts.
L’occupant théorique n’existe pas et dans tout les cas recherche le confort
Lorsque l’on commence à introduire la notion de confort, les choses se corsent un peu plus. Quelque soit les équipements, complexes ou non, l’occupant tente d’approcher le confort, SON confort devrais-je dire, cette notion étant quasiment impossible à modéliser. Quitte à passer outre les consignes, outre les contraintes imposées par la bonne gestion énergétique de l’habitation ou du bâtiment, l’occupant veut être BIEN. C’est tout l’enjeu. Comment passer du BBC subi, à un BBC bien-être? La sociologue insistera sur cette question: faire adhérer au projet qu’est le bâtiment, accompagner – du temps donc et de l’argent encore plus -, responsabiliser, faire confiance, expliquer, montrer, donner les clés.
La surenchère technologique, du passé?
C’est un bailleur social qui le dira, le temps de la surenchère technologique est peut-être passé. La performance doit être simple pour l’occupant. C’est une question d’efficacité et de maîtrise budgétaire. Le bon sens, on y revient toujours.
« La maintenance des systèmes est trop souvent l’oubliée du chiffrage. Et pourtant, ça impacte profondément le retour sur investissement, la viabilité même de certaines opérations. En plus, on manque de professionnels qualifiés. Il y a là une filière à développer. »
La ventilation double flux n’a ainsi plus le vent en poupe. Les chauffe-eau thermodynamiques: oui, ça fonctionne mais avec une eau dure et calcaire comme en Normandie, l’investissement devient vite une calamité (financière) à l’usage.
BBC, changement d’air?
La qualité de l’air intérieur, QAI pour les intimes, est un chantier qui s’ouvre. Un sacré chantier. Là aussi, le CEREMA mène l’enquête. Les premiers résultats présentés aujourd’hui questionnent…
Concernant la concentration de CO2, les mesures montrent que le seuil des 1000ppm sont régulièrement dépassés, à l’image du reste des bâtiments en France (comparaison avec une étude sur un panel représentatif du parc de logement français de 2003/2004). Et dépasser 1000ppm, c’est une question de santé publique. On parle ici de l’apparition de maux de tête, de troubles de la concentration, etc. Du côté des COV, dont le fameux formaldhéhyde, la norme prévue pour 2020 est allègrement dépassée dans un nombre significatif d’opérations suivies (58 sur 72). Quant aux cas de constatations de moisissures, bien souvent, après analyses, des contaminations fongiques sont identifiées.
« Globalement, dans un BBC, l’air n’est pas plus dégradé qu’ailleurs »
A ce jour, ces résultats n’ont pas encore fait l’objet d’interprétation. Les problématiques sont là, reste au CEREMA à finaliser le recueil des données, poser des hypothèses, analyser, trouver les causes et solutions correctives… Bref, performance énergétique ne rime pas encore avec amélioration de la QAI.
Demain, le BBC à faible impact carbone
La journée s’est terminée avec l’intervention du Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer. Demain, la réglementation recherchera la performance bas-carbone. Une opération BBC devra intégrer une Analyse du Cycle de Vie, afin de mesurer son impact ou empreinte carbone. Dans un premier temps, cette nouvelle approche fera l’objet d’une expérimentation, histoire de s’assurer qu’elle ne vient pas donner un coup de frein à la production de logements. Le bâtiment à énergie positive nette sera aussi l’objectif. Le chemin est ouvert… mais doit l’être pour l’ensemble des parties prenantes, les occupants au premier chef, transition oblige.