Aujourd’hui, j’étais au Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie (MEDDE) pour participer à un atelier participatif en vue de la rédaction d’une nouvelle charte de la participation citoyenne, attendue pour l’été.
En juin 2015, la commission spécialisée du Conseil National de la Transition écologie, présidée par le sénateur Alain Richard, a rendu à La Ministre un rapport, soulignant un certain nombre d’enjeux liés à l’implication des parties prenantes dans les processus décisionnel en matière d’environnement, et delà d’aménagement du territoire.
Sans faire table rase de la charte de la concertation de 1996 – 20 ans déjà – il s’agissait de mobiliser l’intelligence collective d’une centaine d’acteurs pour revisiter les enjeux de la concertation. Associations environnementales, agents de collectivités et de ministères, consultants, entreprises… se sont donc prêtés à l’exercice.
J’étais présente parce que tant le fond que la forme m’intéressaient.
A quoi ressemble un temps de concertation porté par le MEDDE, qui y participe, quelles techniques d’animation, quelle capacité collective à produire du contenu?
ANIMER POUR COCONSTRUIRE
La séance était animée par l’Institut de la concertation et l’association Décider ensemble. Répartis autour de tablées de 10 places, les participants étaient invités à répondre à deux questions, en deux séquences distinctes:
- Quels principes et valeurs doivent présider à la Charte?
- Quelle mise en œuvre pour en assurer l’efficacité et l’efficience?
Le mode opératoire était simple et s’organisait en quatre phase:
- Réflexion individuelle visant l’émergence des idées
- Regroupement des idées, organisation collective de la pensée
- Hiérarchisation des idées
- Choix de 2 à 3 idées-clé, étayées d’arguments
Le tout, dans le consensus, dans l’échange et dans un timing relativement serré.
A l’issue de chacune des deux grandes séquences, les propositions de chaque table étaient affichées et, munis de 3 gommettes, il nous restait à parcourir les différents panneaux et à voter pour les propositions pour nous les plus significatives.
La démarche a été agréable et efficace, d’autant plus que chaque table bénéficiait de la présence d’un animateur pour rappeler le déroulé, jouer la montrer et si nécessaire aider à reformuler l’expression des uns et des autres. Un facilitateur en somme.
CHOISIR UN PROCÉDÉ D’ANIMATION
D’habitude, je suis plutôt animatrice qu' »animée » dirais-je. J’ai donc vraiment apprécié de me retrouver de l’autre côté de la table, pour à la fois vivre ce processus sous un autre angle, regarder autrement les interactions entre les participants (les miennes aussi!) et mesurer avec un nouveau recul l’importance de l’animation pour cadrer, encourager et accompagner.
Forcément, bien que pleinement impliquée dans les travaux, je ne peux m’empêcher d’émettre une critique, je l’espère constructive.
En fonction des publics concertés, les choix d’animation sont importants, cela va de soi. En parcourant les différents tableaux de synthèse, à la fin de chacune des deux séquences, il apparaissait clairement que quelques grandes idées revenaient fréquemment. Ici, le public, bien que divers, était averti. J’aurais donc aimé que l’animation soit plutôt sur le modèle du World Café qui aurait permis de pousser plus loin les réflexions et les propositions. En effet, cette méthode permet de répartir les échanges différemment. Pour aller vite:
- une question par table
- des participants qui changent de table avec pour mission de partir des travaux du groupe précédent pour aller plus loin
Ainsi, au moment de la synthèse, sous une forme aussi conviviale et dynamique, et dans le même temps, on aborde plus de questions tout en engageant une réflexion plus aboutie.
FINIR EN BEAUTÉ: LA SYNTHÈSE
Tout processus de concertation doit s’achever par une restitution, a minima sur l’état d’esprit, l’ambiance de la rencontre et si possible sur le fond des échanges. C’est Ilaria Casillo, vice-présidente de la Commission Nationale du Débat Public, qui s’est brillamment livrée à cet exercice.
S’agissant de la première séquence, elle retiendra:
- la nécessité d’adapter le principe de concertation aux spécificités de chaque territoire, de chaque projet. Ceci impliquant:
- la définition de règle du jeu en amont
- une ouverture à 360° pour engager l’ensemble des parties prenantes
- l’articulation fine des deux faces d’une même pièce finalement: concertation & territoire
- l’indispensable sincérité de la concertation. S’imposent alors:
- le choix d’une articulation entre concertation et prise de décision
- le respect de tous les points de vue, dans une logique inclusive
Quant à la seconde séquence, elle souligna les enjeux de mise en œuvre de cette charte, que sont:
- Appropriation large
- Acculturation
- Possibilité d’évolution
A TABLE !
A ma table, parmi de nombreuses idées, je retiens quelques propositions fortes, trois essentielles.
- La charte devrait porter, peut-être en préambule, les principes de biens communs et de coresponsabilité. Les territoires, les paysages, la terre, les villes, les ressources sont nos biens communs. Il convient que tout projet d’aménagement, toute politique publique qui impacte ces territoires doivent donc être partagés, construits collectivement parce que nous en sommes tous responsables & dépositaires, parce que c’est notre patrimoine. Le pendant en est la reconnaissance du rôle de lanceur d’alerte. Vœu pieux, oui.
- La mise en œuvre de cette charte devrait pourvoir être suivie et évaluée par un organisme indépendant. L’État ne peut être seul prescripteur, animateur, évaluateur.
- A l’heure du numérique, pourquoi ne pas lancer une plateforme-ressource en open data où toute personne pourrait retrouver les signataires de la charte, les opérations ouvertes à concertation, les données d’analyse, les remarques, idées et alternatives proposées (et en soumettre en ligne!), les résultats obtenus, les outils d’animation déployées, les parties prenantes impliquées.
Affaire à suivre puisque la nouvelle Charte devrait être mise en consultation publique durant deux mois, en avril et mai prochain, et ce en partenariat avec Démocratie ouverte (qui a animé la consultation sur la loi biodiversité il y a de cela quelques semaines).