Il était une fois, une jeune femme qui tentait petitement d’avoir un mode de vie durable. Elle fait sescourses, elle calcule son empreinte écologique, elle s’intéresse à la mode éthique, bref, elle cherche la voie d’un mode de vie soutenable.
Cependant, les contradictions sont toujours toutes proches, tapies là dans un coin, prêtes à sauter au coup de cette pauvresse en quête de sens.
Un jour, tandis que le soleil ne brillait pas, que le ciel si bas semblait posé sur les têtes, elle décida d’aller se balader. Une balade virtuelle, de celles dont les bruits de pas sont remplacés par le cliquetis d’un clavier. Errant au hasard, ou presque, elle se retrouva dans un supermarché du pied. Ha, comme elle avait été raisonnable depuis plusieurs mois! Comme elle avait réussi à être moins! « Moins de shopping », une véritable satisfaction.
Alors se dit-elle qu’elle pouvait s’offrir un petit plaisir. Une paire de chaussures, un modèle qui change un peu, un modèle avec de beaux et hauts talons. Juste pour pouvoir repousser le ciel, trop bas à son goût.
Pages après pages, la jeune femme voyait défiler des souliers par milliers. Son choix s’arrêta enfin. Une paire de Jeffrey Campbell, marque qui a le bel avantage de proposer tous ces modèles en taille « 42-fillette ». Ô joie! En quelques instants, une satisfaction emplit son âme. Dans quelques jours, un colis serait là.
Les jours passèrent et le colis arriva. Elle s’empressa de prendre de la hauteur, de là-haut, elle contemplait beaucoup mieux le monde. Ses amis et collègues lui firent remarquer, évidemment, qu’ils avaient le sentiment d’être quelque peu pris de haut. « Ainsi va la vie », leur répondait-elle.
Puis, alors qu’elle galopait fièrement dans les couloirs, entre son Bureau et celui de son Directeur Général, où l’attendait le Comité de Direction et le Président pour une réunion de toute première importance, elle perdit toute hauteur. Pas seulement parce qu’elle descendait des escaliers. Comme un château de cartes qui s’effondre, elle se retrouva très loin du ciel, affalée sur quelques marches, les lunettes dispersées à quelques mètres de là, le postérieur et les coudes endoloris, avec le sentiment de ne rien comprendre. D’abord, remettre ses lunettes, VOIR.
La jeune femme compris après quelques secondes qu’il lui manquait un talon. Forcément, avec une jambe subitement plus courte de 10cm, de simples escaliers deviennent un obstacle implacable…
Que faire alors?
La jeune femme se ressaisit et tenta d’élaborer la meilleure stratégie. Retourner dans son bureau d’abord. Essayer de réparer. Constater que cordonnier est un métier et que sa formation de juriste, spécialisée de la gestion sociale de l’environnement ne lui apportera aucune solution immédiate. Finalement, rejoindre la Direction pour la réunion, clopin-clopant, un talon au peid, l’autre en main. Poser le talon sur la table, amorcer cette réunion par un instant de détente générale, auto-dérision de l’anecdote, finir par travailler.
Ha… Si seulement cette jeune femme avait été une fervente décroissante, elle aurait su que la plétore de chaussures qu’elle possède était bien suffisante. Elle aurait pu préserver son postérieur d’un contact Ô combien douloureux avec cet escalier anguleux.
La décroissance aurait pu sauver son postérieur.