Il y a des livres comme ça, qu’on achète un dimanche matin, à la campagne. Dans un carton. Entre un Pierre Bellemare et un chick lit. Le coin supérieur est un peu écorné. Un prénom écrit au crayon à papier « Catherine, ». Il fut un cadeau peut-être. Les pages sont jaunies.
Il y a des livres comme ça, qu’on prend en main avec toute leur histoire. Les pages sont un peu plus lourdes. Tous ces yeux qui les ont parcouru, les rendent plus denses. Ceux-là, il faut les manipuler avec attention. Les livres attrapent un bout d’âme de ceux qui les lisent. Ce bout d’âme qui s’échappe quand on a les yeux grands ouverts. Ce bout d’âme qui s’accroche aux mots, lorsqu’on lit plusieurs fois la même phrase, pour s’en souvenir, pour l’entendre, pour en prendre la mesure.
Il y a des livres comme ça qu’on est heureux d’avoir lu. Pas forcément pour l’histoire. Pour les mots qui jouent une partition inédite.
Roman avec cocaïne est un de ceux-là. Ce livre n’a pas été écrit. Il est plutôt né je crois. Né de M. Aguéev, un inconnu russe, dans les années 30.
Je ne veux rien vous raconter. J’ai juste choisi, ici ou là, quelques mots.
« Puis, rapidement comme d’habitude, sortait Stein, dont la silhouette oblique faisait pencher toute la pièce ».
« là-bas, le soir, des vieilles femmes peinturlurées sortaient en loques, et de leur voix éraillée de gramophone bazardaient l’amour pour vingt kopeks ».
« à partir des toits, partout, la fumée montait en piliers blancs et la ville semblait suspendue au ciel en gigantesque veilleuse ».